Approuvé par le COSEPAC en novembre 2018
En réponse au nombre croissant d’espèces sauvages dont la répartition ou la composition génétique a été manipulée par l’être humain de façon délibérée ou accidentelle, les présentes lignes directrices ont été élaborées pour aider le COSEPAC à déterminer dans quel contexte les composants manipulés entreront en ligne de compte dans les évaluations de la situation des espèces sauvages.
La définition « d’espèce sauvage » que l’on trouve dans la Loi sur les espèces en péril (LEP) et adoptée par le COSEPAC précise les exigences qui sont utiles à la prise en compte par le COSEPAC des organismes manipulés. Les espèces sauvages, que le COSEPAC désigne également sous l’appellation d’unité désignable (UD), doivent être indigènes au Canada (voir Définitions et Abréviations et Processus et Critères d’évaluation) et excluent celles qui ont été introduites au Canada par voie d’intervention humaine. Les espèces sauvages doivent également être « d’origine sauvage », expression qui n’est pas définie dans la LEP, mais qui, selon certaines interprétations juridiques, peut englober les individus en captivité dont les ancêtres récents étaient sauvages. La LEP ne contient aucune directive relative à l’évaluation d’espèces sauvages qui comptent des populations réintroduites, hybrides, ou des populations ou des organismes augmentés et gérés à d’autres fins que la conservation.
Les interdictions spécifiées par la LEP visent les individus faisant partie de la population identifiée et évaluée par le COSEPAC. Pour déterminer quels individus ou composants font l’objet d’interdictions, il est essentiel de savoir clairement si les composants sauvages et manipulés font partie de la population évaluée (les « espèces sauvages »). Les lignes directrices qui s’appliquent ici aux populations introduites, hybrides ou augmentées peuvent exclure les composants d’une espèce sauvage, sous réserve que les composants manipulés soient génétiquement ou géographiquement distincts de l’espèce sauvage évaluée. L’expression « population géographiquement ou génétiquement distincte » figure dans la définition d’« espèce sauvage » de la LEP de même que « espèce, sous-espèce et variété ». L’impératif qui veut que les composants manipulés susceptibles d’être exclus puissent être génétiquement ou géographiquement distincts de l’UD évaluée garantit donc que l’exclusion concorde avec la définition d’« espèce sauvage » de la LEP.
Certains composants de populations d’espèces sauvages qui font l’objet d’une manipulation par l’être humain peuvent être génétiquement distincts, en fonction du nombre de générations qui ont fait l’objet de manipulations. D’autres composants de populations, pour lesquels il peut ne pas s’être écoulé suffisamment de temps pour que des différences génétiques se soient manifestées, peuvent néanmoins être reconnus comme distincts géographiquement. Dans ce cas, le COSEPAC estime que le terme « distinct » signifie « différent », ce qui peut être moins rigide que la formulation « significative pour l’héritage évolutif d’une espèce » employée dans les Lignes directrices du COSEPAC pour reconnaître les unités désignables. En d’autres termes, pour que la validité d’une espèce sauvage (c. à d. d’une unité désignable [UD]) soit reconnue, l’UD doit être à la fois « distincte » et « significative pour l’héritage évolutif d’une espèce » par rapport à d’autres populations étroitement apparentées ou taxons. En revanche, l’exclusion d’un composant de population manipulé qui répond par ailleurs à tous les éléments de la définition d’espèce sauvage exige seulement que ce composant soit génétiquement ou géographiquement distinct (différent) de l’espèce sauvage évaluée.
Les évaluations de situation du COSEPAC doivent tenir compte de deux types de paramètres liés aux populations manipulées :
- La population manipulée fait-elle partie de l’espèce sauvage (ou unité désignable) évaluée?
- Si la réponse à « A » est affirmative, doit on inclure les individus de la population manipulée au moment d’appliquer des critères quantitatifs visant à déterminer la situation (c à d. en fonction des taux de déclin, du nombre d’individus matures)?
Les lignes directrices qui suivent clarifient la position du COSEPAC sur : i) l’admissibilité à l’évaluation des populations manipulées, et ii) l’inclusion de telles populations pour l’application de critères quantitatifs lorsqu’elles sont considérées comme faisant partie de l’espèce sauvage évaluée. Étant donné l’étendue des groupes taxonomiques, il faut garder une certaine souplesse dans l’application des lignes directrices afin de pouvoir tenir compte de circonstances particulières associées à des espèces sauvages différentes. De plus, il est souvent difficile de prédire les conséquences à long terme des diverses manipulations des espèces sauvages; par conséquent, il faut traiter l’incertitude avec précaution.
Les présentes lignes directrices examinent trois types de populations manipulées :
- en captivité et cultivées
- introduites/réintroduites ou augmentées
- hybrides
Ligne directrice no 1 :
Les rapports de situation des espèces sauvages identifieront et décriront clairement les populations manipulées et indiqueront si elles font partie ou non de l’espèce sauvage dont on envisage d’évaluer la situation et pourquoi. Ce texte doit figurer dans un paragraphe du rapport à la rubrique Structure spatiale et variabilité de la population. Lorsqu’on estime qu’elles font partie de l’espèce sauvage, le rapport de situation indiquera aussi clairement si les populations manipulées sont sujettes à l’application des critères quantitatifs et pourquoi, comme cela est mentionné dans les présentes lignes directrices. Les rapports de situation doivent également décrire l’historique des changements survenus chez l’espèce sauvage évaluée attribuables aux manipulations dont la liste se trouve ci dessus.
Ligne directrice no 2 :
De manière générale1, le COSEPAC considérera comme ne faisant pas partie de l’espèce sauvage évaluée toute population manipulée à des fins autres que la conservation de l’espèce (par exemple, pour des raisons commerciales), sous réserve que la population soit géographiquement ou génétiquement distincte de l’espèce sauvage évaluée et qu’il n’y ait aucune intention de faire en sorte que la population contribue à la population sauvage. Dans le cadre d’un tel scénario, le COSEPAC indiquera évidemment pourquoi la population est exclue.
1. Populations en captivité ou cultivées
Des populations en captivité ou cultivées peuvent être maintenues à des fins de conservation ou commerciales ex situ. Par exemple, la reproduction en captivité peut faire partie intégrante de programmes de rétablissement dans le cas d’espèces incapables de survivre à l’état sauvage dans les conditions actuelles. La reproduction peut ou non reposer sur un suivi généalogique, et une intervention humaine peut être indispensable au succès de la reproduction. De telles populations peuvent être fondées sur des individus capturés en milieu naturel issus d’une source unique ou être le résultat d’un mélange de sources génétiques disparates, dont certaines pourraient avoir fait l’objet d’une sélection artificielle. Par exemple, les programmes de reproduction en captivité du renard véloce, du Faucon pèlerin et de la marmotte de l’île de Vancouver sont en vigueur au Canada depuis quelques années. Comme autre exemple, il faut mentionner la technique de conservation qualifiée de « coup de pouce » qui consiste à capturer des individus dans des populations naturelles et à les maintenir en captivité (in situ ou ex situ) durant une étape du cycle biologique au cours de laquelle ils sont particulièrement vulnérables, généralement à l’approche de la naissance ou de la germination. Cette technique peut permettre, par exemple, de réduire la prédation sur les petits du caribou.
Une sélection artificielle de traits plus adaptés à la captivité commence dès l’instant où les individus sont placés dans un environnement artificiel (voir par exemple Lynch et O’Hely, 2001); ce type de sélection est désigné sous le nom de sélection par domestication. Plus le nombre de générations ayant vécu en captivité est élevé, plus l’effet de la domestication sur les traits héréditaires et les comportements acquis est important. Bien que des efforts visant à minimiser la domestication aient été déployés dans certains programmes de reproduction en captivité axés sur la conservation, de tels changements sont impossibles à éviter totalement. Indépendamment du lieu où les populations sont maintenues en captivité à des fins de conservation, l’intention de relâcher des individus dans la nature existe à un moment donné.
Ligne directrice no 3 :
En général, les populations captives et cultivées retenues pour des raisons de conservation feront partie des espèces sauvages évaluées. Toutefois, ces populations seront exclues de l’application des critères quantitatifs pour déterminer la situation. Le statut « disparue du pays » pourra être utilisé dans les évaluations d’espèces sauvages qui n’existent qu’en captivité. Veuillez noter que la ligne directrice no 2 indique la position du COSEPAC concernant les populations captives et cultivées établies pour des raisons commerciales.
Par exemple, les animaux gardés dans des parcs zoologiques feraient partie des espèces sauvages évaluées, mais ils ne seraient pas comptabilisés dans les estimations des populations. Le Vancouver Island Marmot Recovery Centre garde des marmottes captives, qui sont élevées, puis relâchées périodiquement dans des habitats naturels. Les individus maintenus captifs seraient inclus dans les espèces sauvages évaluées, mais ne feraient pas partie de l’estimation de la taille des populations, étant donné que leur contribution à la population sauvage ne peut pas être confirmée.
2. Population introduite ou réintroduite ou augmentée
De nombreuses espèces végétales et animales ont été introduites dans de nouvelles zones à l’intérieur (intralimites) ou à l’extérieur (extralimites) de leur aire de répartition naturelle ou réintroduites dans des aires d’où les occupants d’origine ont disparu, en raison d’activités humaines intentionnelles ou accidentelles. L’admissibilité de ces populations établies et réintroduites à faire partie de l’espèce sauvage peut varier selon que l’introduction est intralimites ou extralimites et selon leur incidence prévue ou démontrée sur l’espèce sauvage dans son aire de répartition naturelle et sur d’autres composantes de la biodiversité. Les populations augmentées sont des populations qui reçoivent des individus dans leur aire de répartition naturelle. La décision d’inclure ces populations établies ou augmentées dans l’espèce sauvage évaluée peut dépendre de l’incidence prévue de cette augmentation sur l’espèce en question.
i) Les réintroductions se font à l’intérieur de l’aire de répartition naturelle et dans l’habitat naturel d’une espèce sauvage. Elles peuvent comprendre des déplacements (établissement dans une nouvelle zone, en prélevant des individus sauvages d’une autre zone comprise dans l’aire de répartition naturelle) ou des réintroductions dans une zone d’où l’espèce sauvage a disparu. Les réintroductions peuvent inclure des populations établies à partir de populations élevées/maintenues en captivité qui se sont échappées ou qui ont été volontairement transplantées, qui ont été elles-mêmes établies par des individus prélevés dans l’aire de répartition naturelle de l’espèce sauvage. Par exemple, des renards véloces ont été réintroduits dans les Prairies canadiennes au moyen de renards élevés en captivité et de renards sauvages capturés dans des États de la grande prairie américaine. De même, des Faucons pèlerins élevés en captivité ont été libérés dans des régions du Canada d’où ils avaient disparu.
Peu importe l’intention ou les mécanismes de la première introduction (à des fins de conservation ou non, volontaire ou non), l’Union internationale pour la conservation de la nature recommande que les populations autonomes issues de déplacements et de réintroductions soient incluses dans les évaluations d’espèces sauvages (IUCN Standards and Petitions Working Group, 2016).
Ligne directrice no 4 :
Le COSEPAC estimera que toutes les réintroductions intralimites, indépendamment de l’intention visée, font partie de l’espèce sauvage évaluée. Toutefois, le COSEPAC soumettra généralement ces populations à l’application des critères quantitatifs seulement pour déterminer la situation là où l’on peut prédire ou démontrer que la population aura une incidence positive nette sur l’espèce sauvage évaluée. Une incidence positive nette entraînera une augmentation de la faculté moyenne d’adaptation des individus de l’espèce sauvage (qui se reflète, par exemple, dans une probabilité de survie accrue, un taux de croissance démographique augmenté et/ou une meilleure capacité d’adaptation à des changements environnementaux).
ii) Les introductions extralimites se font en dehors de l’aire de répartition historique de l’espèce sauvage et peuvent être issues d’individus sauvages déplacés ou d’individus élevés en captivité. Par exemple, des populations de truites fardées versant de l’ouest des bassins hydrographiques des rivières Saskatchewan Nord et Ram de l’Alberta, établies au moyen d’individus élevés en écloserie, se trouvent en dehors de l’aire de répartition historique de l’espèce sauvage.
Ligne directrice no 5 :
Le COSEPAC n’inclura généralement que les populations résultant d’introductions extralimites bénignes au sein de l’espèce sauvage évaluée s’il ne reste plus d’habitat propice dans l’aire de répartition naturelle de l’espèce au Canada. En vertu d’un tel scénario, il peut être justifié de considérer la population comme une unité désignable distincte lorsqu’elle est considérée comme géographiquement isolée de son aire de répartition d’origine. Dans le cas des introductions faisant partie de l’espèce sauvage évaluée, on appliquera seulement les critères quantitatifs là où l’on prédit une incidence positive nette sur l’espèce sauvage.
iii) Les populations augmentées sont des populations indigènes qui reçoivent des individus reproduits/élevés en captivité (ou cultivés) ou des déplacements d’individus sauvages, de manière délibérée ou non. On procède à l’augmentation en utilisant des individus provenant de la même espèce sauvage.
L’augmentation est souvent amorcée pour produire des individus exploitables. Elle est également utilisée pour reconstruire des populations appauvries ou handicapées génétiquement, à l’instar de ce qui est tenté avec les marmottes de l’île de Vancouver élevées en captivité. Une augmentation non planifiée peut se produire si des individus en captivité ou cultivés s’échappent et contribuent au recrutement dans une population sauvage.
Ligne directrice no 6 :
Sans égard aux intentions de l’augmentation, toutes les populations augmentées seront considérées comme faisant partie de l’espèce sauvage évaluée. Lorsqu’il est possible de le constater, les individus utilisés pour augmenter les populations sauvages et les rejetons produits naturellement qui en résultent devraient généralement être soumis à l’application des critères quantitatifs visant à déterminer la situation des populations, seulement si l’on prévoit que ces individus auront une incidence positive nette sur l’espèce sauvage évaluée. On ne doit pas comptabiliser ces individus si on a la preuve d’une baisse de la capacité d’adaptation ou des caractéristiques génétiques, qui peuvent corrompre les adaptations locales.
3. Populations hybrides
Le croisement peut se produire sur un continuum allant de la reproduction entre individus de populations différentes appartenant à la même espèce taxonomique à la reproduction entre des individus appartenant à des espèces biologiques différentes. Rhymer et Simberloff (1996) définissent l’hybridation comme le « croisement d’individus issus de populations qu’on soupçonne d’être distinctes génétiquement, sans égard au statut taxonomique ». Bien que l’hybridation désigne généralement l’accouplement entre des individus hétérospécifiques, elle peut également s’appliquer à la reproduction entre des individus de sous-espèces différentes ou de populations différenciées génétiquement (et donc entre UD). L’introgression désigne le transfert de matériel génétique d’une espèce à une autre par l’accouplement d’hybrides F1 ou d’une génération ultérieure à l’une des espèces parentales. Il n’existe pas de concept d’espèce biologique qui soit universellement reconnu (Hey, 2006; Haig et al., 2006) et la définition de sous-espèce est encore plus controversée (Haig et al., 2006). En conséquence, le degré d’hybridation ne doit pas définir un seuil rigide pour l’évaluation ou la conservation. Lorsque des populations hybrides sont considérées à des fins d’évaluation, les conséquences de l’hybridation doivent plutôt être examinées d’un point de vue évolutionnaire. Plus les deux groupes sont différenciés génétiquement, plus les chances de conséquences comme la dépression hybride et la perte de complexes de gènes adaptatifs seront élevées. Par contre, pour les populations de petite taille au sein desquelles une dépression hybride est évidente, les introductions de génotypes nouveaux provenant de sources non indigènes pourraient s’avérer avantageuses. L’hybridation et le flux génétique naturels jouent un rôle important dans l’évolution continue de certains organismes et dans le maintien de la diversité génétique. Les sections qui suivent examinent ces concepts plus en profondeur dans le contexte de deux types de mécanismes donnant lieu à une hybridation.
i) Hybridation naturelle – Une certaine hybridation s’effectue indépendamment des activités humaines et peut produire une nouvelle espèce biologique ou de nouveaux génotypes recombinants (voir les références dans Stein et Uy, 2006; voir également Seehausen, 2004). Les zones hybrides dans lesquelles les répartitions de deux taxons étroitement liés se chevauchent naturellement sont présentes dans plusieurs groupes taxonomiques et peuvent demeurer stables lorsque les génotypes parentaux conservent leur intégrité (Hagen et Taylor, 2001) ou continuent d’évoluer (introgression; Stein et Uy, 2006). En outre, l’hybridation est assimilée à une caractéristique commune de la divergence parapatrique ou sympatrique (Mallet, 1995), et elle peut être suivie d’une stabilisation et d’une perpétuation du dérivé hybride en tant qu’entité taxonomique distincte (Stebbins, 1969). Un exemple d’hybridation naturelle est ce qui se produit entre la truite arc-en-ciel et la truite fardée côtière, là où les deux espèces coexistent naturellement, et pour l’épinoche du lac Misty, où des formes hybrides « intermédiaires » se trouvant entre les écotypes de ruisseau et de lac font partie du processus évolutionnaire.
Lorsqu’il existe des marqueurs morphologiques ou génétiques convenables, des hybrides Fn et des rétrocroisements peuvent être assignés à l’une des espèces parentales où l’on peut affirmer qu’ils comportent moins de 51% du génome de l’une des deux espèces sauvages parentales. Les hybrides F1 ne peuvent pas être attribuées à l’un ou l’autre parent, car ils contiennent 50 % de chaque génome.
Les hybrides résultant de l’intercroisement entre l’espèce sauvage évaluée et les individus cultivés (voir Définitions et Abréviations, annexe C) provenant de la même espèce sauvage ne sont pas considérés comme étant le produit d’une hybridation naturelle (p. ex., intercroisement du saumon atlantique sauvage avec le saumon atlantique d’élevage échappé).
Ligne directrice no 7 :
Les populations qui subissent une hybridation naturelle peuvent être incluses dans l’espèce sauvage qui est évaluée par le COSEPAC. Les individus matures peuvent, dans ce cas, comprendre des hybrides et être soumis à l’application des critères quantitatifs.
ii) Hybridation due à une intervention humaine – L’hybridation peut être une conséquence directe ou indirecte des activités humaines. Parmi les activités qui ont une incidence directe sur l’hybridation figure l’introduction d’individus provenant d’une population distincte génétiquement dans l’aire de répartition naturelle d’une autre population génétiquement distincte ou le croisement volontaire de deux populations distinctes génétiquement, sans égard au statut taxonomique. Parmi les activités humaines qui peuvent indirectement aboutir à une hybridation, figurent la destruction ou la modification d’habitats propices et le retrait d’obstacles à la reproduction (géographiques, physiques ou comportementaux) qui existaient au préalable entre les deux populations indigènes distinctes génétiquement.
La première hybridation qui a lieu entre deux génotypes parentaux purs donnera un hybride F1. Les hybrides F1 peuvent être stériles, moins bien adaptés ou parfaitement capables de se reproduire avec d’autres F1 ou de se rétrocroiser avec des génotypes parentaux. Bien que les hybrides stériles ou mal adaptés présentent peu de risques d’affecter la composition génétique des populations pures, ils représentent une perte pour la production et peuvent présenter un risque pour la viabilité d’au moins une population parentale, particulièrement si elle est de petite taille. Le rétrocroisement et la succession de reproductions réussies peuvent aboutir à une augmentation des degrés d’introgression génétique produisant : 1) des essaims d’hybrides dans lesquels il n’existe plus aucun des génotypes purs d’origine ou 2) une introgression unidirectionnelle où une des populations parentales pures sera perdue.
Lorsqu’il y a hybridation attribuable à une intervention humaine, les hybrides F1 et leur descendance introgressée doivent généralement être considérés comme une perte pour l’espèce sauvage et une menace pour sa persistance; les hybrides ne représentent aucun des groupes taxonomiques originaux et ils ne contribuent pas au lignage évolutionnaire de l’un ou l’autre des groupes. Par exemple, beaucoup de populations de truites fardées versant de l’ouest en Alberta ont connu une introgression génique à la suite de leur reproduction avec des truites arc-en-ciel et des truites fardées de Yellowstone introduites artificiellement. Toutefois, pour des taxons très proches, il peut être difficile d’établir une distinction entre un polymorphisme ancien commun aux deux groupes et de faibles taux d’introgression. Par exemple, Allendorf et al. (2004) ont proposé un seuil d’introgression pour les populations de truites fardées versant de l’ouest : une population peut être considérée comme génétiquement pure si elle exprime < 1 % de mélange (c’est-à-dire que 1 % ou moins d’un échantillon d’allèles d’une population de l’espèce putativement pure « A » peut être attribué à une introgression avec l’espèce « B »). Ce seuil doit être évalué par des tests biologiques à partir d’un échantillon adéquat de marqueurs moléculaires diagnostiques sélectivement neutres et les individus qui aboutissent à un pourcentage de probabilité d’au moins 95 % qu’un minimum de 1 % d’introgression sera détecté si le phénomène se produit dans la population (voir par exemple COSEWIC, 2006).
Ligne directrice no 8 :
Si l’on sait ou que l’on soupçonne qu’il y a eu une hybridation due à une intervention humaine, le COSEPAC s’interrogera pour savoir si cette hybridation risque d’avoir des effets néfastes sur la conservation de l’espèce sauvage. Une incidence néfaste nette est une incidence dont on prévoit qu’elle entraînera une diminution de l’aptitude moyenne des individus de l’espèce sauvage évaluée (ce qui se reflète par exemple dans une réduction des chances de survie, une réduction du rythme de croissance de la population et/ou une baisse de l’aptitude à s’adapter aux changements de l’environnement). Dans ces conditions, s’ils sont identifiables, les hybrides F1 et leur descendance ne feront pas partie de l’espèce sauvage évaluée. Lorsqu’on estime que l’hybridation d’une population est importante, il est sans doute prudent d’exclure toute la population de l’espèce sauvage évaluée. En revanche, on peut affirmer que ces populations menacent l’espèce sauvage.
Il peut y avoir des exceptions lorsque le patrimoine génétique d’une espèce sauvage est si pauvre qu’une dépression hybride est évidente et que la variabilité génétique ne peut être augmentée au moyen d’individus issus du même patrimoine génétique. En pareil cas, il peut être prudent de croiser l’espèce sauvage avec une autre population étroitement apparentée de la même espèce sauvage afin d’augmenter la variabilité génétique et de tirer parti de la vigueur des hybrides, surtout lorsqu’on prévoit que sans ce croisement, l’espèce sauvage en question disparaîtra. Cela préservera au moins une partie de la composition génétique de l’espèce sauvage et pourrait rétablir son rôle écologique. Cependant, la population recombinante résultante peut être évaluée en tant qu’unité désignable distincte, en considérant l’originale comme disparue, s’il y a eu croisement avec des individus d’autres unités désignables ou espèces sauvages. De plus, cette population recombinante ne sera admissible que si sa persistance n’est pas tributaire d’introductions continues et qu’elle ne constitue pas une menace pour l’espèce sauvage donatrice participant aux efforts de croisement.
iii) Les organismes génétiquement modifiés sont ceux dont le génome a été modifié directement par l’insertion de matériel génétique d’une autre espèce (organismes transgéniques) ou indirectement par élevage sélectif pour accroître la fréquence de caractères spécifiques. Les organismes transgéniques et ceux qui ont fait l’objet d’un élevage sélectif à des fins commerciales seront toujours exclus de l’espèce sauvage et de l’évaluation, même s’ils peuvent être considérés comme une menace. Dans les cas où un élevage sélectif ou des manipulations transgéniques ont eu lieu à des fins de conservation (c. à d. pour renforcer la résistance aux maladies des organismes relâchés dans la nature, ou pour contrecarrer les effets d’une dérive génétique et d’une dépression hybride dans les populations restreintes), ces organismes peuvent alors faire partie des évaluations si l’on soupçonne ou que l’on prouve que ces manipulations ont un effet positif net sur l’aptitude des individus dans l’espèce sauvage évaluée (voir par exemple Wisely et al., 2015).
Ligne directrice no 9 :
Les organismes génétiquement modifiés ne feront pas partie de l’espèce sauvage évaluée. Dans les cas où l’on a procédé à un élevage sélectif à des fins de conservation, ces organismes seront inclus si cela a un effet positif net sur l’aptitude d’individus de l’espèce sauvage.
Type de Manipulation | 1 – Fait partie de l’espèce sauvage évaluée? | 2 – L’inclure dans les critères quantitatifs pour évaluer la situation de conservation? | Fondé sur la ligne directrice no |
---|---|---|---|
En captivité/ cultivée pour la conservation | Oui | Non | 3 |
En captivité/ cultivée à des fins commerciales | Non – sauf dans les cas où la population en captivité ne peut être distinguée génétiquement ou géographiquement de l’espèce sauvage évaluée | Non | 2 |
Réintroduction – intralimites | Oui – peu importe l’objectif de la réintroduction (c. à d. conservations ou autre) | Peut-être, mais uniquement là où le COSEPAC prévoit qu’une population aura une incidence positive nette sur l’espèce sauvage évaluée | 4 |
Introduction – extralimites | Peut-être – mais seulement si elle est considérée bénigne2 et qu’il n’y a aucun habitat naturel convenable dans les limites de l’aire de répartition naturelle du Canada ou s’il y en a, que l’habitat est à ce point limité qu’il rend peu probable la viabilité à long terme de l’espèce | Peut-être, mais uniquement là où le COSEPAC estime que l’introduction aura une incidence positive nette sur l’espèce sauvage évaluée, cette introduction peut alors être évaluée comme une unité désignable distincte | 5 |
Augmentation | Oui – peu importe l’objectif | Inclure peut-être les individus qui servent à augmenter la population – mais seulement si le COSEPAC prévoit que l’augmentation aura une incidence positive nette sur l’espèce sauvage qui fait l’objet d’une évaluation. | 6 |
Hybridation – naturelle | Oui | Oui | 7 |
Hybridation – moyennant une intervention humaine | Non – Exclure les hybrides Fn et les croisements s’il est possible de les distinguer et si le COSEPAC s’attend à ce que l’introgression ait une incidence négative nette, réduisant l’aptitude des individus de l’espèce sauvage évaluée et qu’elle soit identifiable. Il faut songer à exclure toute la population si l’introgression est importante. | Sans objet | 8 |
Organismes génétiquement modifiés | Non – Les organismes transgéniques et ceux qui découlent de l’élevage sélectif à des fins commerciales sont exclus, et peuvent être considérés comme une menace. Peut-être que oui dans le cas où l’élevage sélectif a lieu à des fins de conservation, et où cela confère un avantage positif net à l’espèce sauvage. |
Uniquement dans les cas où cela a lieu à des fins de conservation et où cela présente un avantage positif net pour l’espèce sauvage. | 9 |
Bibliographie :
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Whiteley, A.R., S.W. Fitzpatrick, W.C. Funk et D.A. Tallmon. 2015. Genetic rescue to the rescue. Trends in Ecology & Evolution 30:42-49.
Wisely, S.M., O.A. Ryder, R.M. Santymire, J.F. Engelhardt et B.J. Novak. 2015. A road map for 21st century genetic restoration: gene pool enrichment of the black-footed ferret. Journal of Heredity 106:581-592.
(1) Lorsque des menaces sérieuses (p. ex., le braconnage, la maladie) touchant une espèce sauvage en péril sont susceptibles d’être exacerbées par des populations manipulées, il est évident que les populations manipulées doivent être considérées comme une menace pour l’espèce sauvage en péril.
(2) Selon la définition d’introduction bénigne de l’Union internationale pour la conservation de la nature.