Vingt-sept espèces sauvages canadiennes ont été évaluées comme étant en péril à la récente réunion du COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada), tenue du 27 avril au 2 mai, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Depuis 1978, le COSEPAC a évalué près de 700 espèces sauvages comme étant en péril. Lorsque la Loi sur les espèces en péril (LEP) est entrée en vigueur en 2003, le COSEPAC a été chargé de fournir les évaluations scientifiques sur les espèces au ministre de l’Environnement afin d’éclairer les décisions du gouvernement en ce qui a trait à la protection des espèces en péril en vertu de la Loi. Cinq cent dix-huit des espèces évaluées par le COSEPAC comme étant en péril sont maintenant inscrites en vertu de la LEP.
Les pollinisateurs du Canada en péril
Deux espèces d’abeilles ont été évaluées comme étant en péril lors de la réunion. Certains groupes de bourdons connaissent des déclins spectaculaires à l’échelle mondiale qui ne sont pas bien compris. Les causes présumées incluent l’impact des pesticides, des agents pathogènes et des changements climatiques d’origine anthropique. Ce déclin est grave pour les abeilles et pour nous également. Les abeilles pollinisent plus de 70 % de nos cultures, et sans les services qu’elles nous fournissent, notre approvisionnement en nourriture est compromis. Le bourdon de l’Ouest était répandu au Canada, mais il a fait l’objet d’un mystérieux déclin. La population du sud du bourdon de l’Ouest a diminué dans certaines régions, menant ainsi au statut d’espèce « menacée ». Alors que la population du nord semble être en meilleur état, des déclins ont été observés dans certaines régions, et notre incompréhension de ce qui cause le déclin des abeilles est une préoccupation. Le psithyre bohémien, bien que moins abondant, a aussi déjà été répandu au Canada. Malgré des efforts accrus pour trouver l’espèce, aucun individu n’a été vu au Canada depuis 2008; elle a été évaluée « en voie de disparition ». Les psithyres ont un mode de vie fascinant : une femelle envahit la ruche d’une autre espèce de bourdon et remplace la reine. Il pourrait y avoir encore un petit nombre d’individus qui n’ont pas été observés récemment, mais il est inquiétant qu’une espèce si répandue connaisse un déclin si drastique sans explication précise.
Un requin d’eaux froides en grande difficulté
La maraîche est une des 28 espèces de requins qui se retrouvent au Canada. Cette espèce de grande taille entreprend de vastes migrations entre les eaux canadiennes et le milieu de l’Atantique. Les maraîches sont capturées dans le cadre des pêches canadiennes et internationales à la fois pour leurs nageoires et leur chair. En raison de la surpêche, l’abondance de ce requin a connu un important déclin dans les années 1960, il s’est partiellement rétabli dans les années 1980 pour s’effondrer à nouveau dans les années 1990. Le nombre de requins demeure à environ 30 % de leur niveau de 1961, et l’espèce a été évaluée une fois de plus par le COSEPAC comme étant « en voie de disparition ». Bien que les permis de pêche pour cette espèce aient été suspendus en 2013, elle est encore capturée de façon accessoire dans le cadre de la pêche au thon, à l’espadon et au poisson de fond. La maraîche a été évaluée par le COSEPAC pour la première fois en 2004 comme étant « en voie de disparition », mais elle n’a pas été inscrite à la liste de la Loi sur les espèces en péril en raison des pertes économiques qu’aurait engendrées la suspension de la pêche. Plus récemment, le Canada a appuyé l’inscription de l’espèce en vertu de la CITES, un accord international qui règlemente le commerce d’espèces menacées d’extinction. Cette nouvelle inscription en vertu de la CITES fournit les outils nécessaires pour s’assurer que le commerce international ne nuise pas à l’espèce. Ensemble, l’inscription à la CITES, les conclusions du COSEPAC de laisser le requin « en voie de disparition », et la suspension de la pêche dirigée de la maraîche pourraient signaler que ce poisson majestueux obtiendra finalement l’aide dont il a besoin.
La population du carcajou se retire vers le nord
Bien que la plupart des Canadiennes et des Canadiens n’aient jamais vu cette espèce, le carcajou était autrefois un des animaux les plus répandus au Canada et son aire de répartition couvrait les trois territoires, tout l’Ouest du Canada, les Prairies, l’Ontario, le Québec, le Labrador et le Nouveau-Brunswick. L’aire de répartition de ces carnivores très discrets s’est réduite considérablement au début des années 1900, et ils ne sont plus observés dans les régions fortement modifiées par les humains, particulièrement dans le sud du Canada. Bien qu’il soit souvent exposé à un niveau élevé de chasse et de piégeage, ce carnivore qui passe inaperçu fait l’objet de peu d’attention et de suivi. Par conséquent, nous avons une faible compréhension de la façon dont les populations se comportent devant les changements climatiques et d’utilisation des terres. Le COSEPAC a évalué la population canadienne du carcajou comme étant espèce « préoccupante » à cause des activités industrielles en croissance et d’un plus grand accès à ses habitats éloignés en raison de nouvelles routes et de motoneiges de plus en plus sophistiquées. Étant donné que les carcajous sont vulnérables aux activités anthropiques, particulièrement dans leurs abris au moment de la mise bas, les populations locales peuvent ne pas se rétablir des déclins ou repeupler des habitats inoccupés.
Le caribou des montagnes de plus en plus en péril
L’emblématique caribou, tout comme le carcajou, est présent dans la majeure partie du Canada. Cependant, dans le cas du caribou, lequel on peut voir sur la pièce de monnaie canadienne de vingt-cinq cents, il y a un grand nombre de groupes distincts ayant des combinaisons uniques de caractéristiques génétiques et de traits de cycle biologique, menant ainsi à la reconnaissance de plus d’une douzaine de groupes de populations distincts. Tous seront évalués par le COSEPAC au cours des prochaines années, certains pour la troisième ou quatrième fois. Lors de la réunion, trois de ces groupes de populations ont été évalués : le caribou des montagnes du Sud, des montagnes du Centre et des montagnes du Nord. Ensemble ils totalisent environ 70 troupeaux dans les montagnes de l’Ouest du Canada, du sud de la Colombie-Britannique et de l’Alberta jusqu’au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest. Après une perte de 30 % de leur aire de répartition depuis le début des années 1900, l’état d’un grand nombre de troupeaux s’est détérioré à un rythme accéléré en raison de changements drastiques de leur habitat et des perturbations causées par le développement industriel, l’établissement humain et les activités récréatives.
Le caribou des montagnes du Sud dans le sud-est de la Colombie-Britannique a été évalué en 2002 par le COSEPAC comme espèce « menacée ». Depuis, il a fait l’objet d’un déclin de 30 % et 2 troupeaux ont disparu. Parmi les 15 troupeaux du caribou des montagnes du Sud, 9 ont actuellement moins de 50 adultes, et 6 troupeaux ont moins de 15 adultes. Il a été évalué lors de la réunion comme étant « en voie de disparition ».
La situation est encore plus désastreuse pour le caribou des montagnes du Centre dans les montagnes Rocheuses de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, lequel a connu un déclin de 60 % au cours des 10 dernières années. Il a également été évalué comme étant « en voie de disparition ». Un grand nombre de troupeaux du caribou des montagnes du Centre se trouvent dans des aires protégées et des parcs, incluant les parcs nationaux Jasper et Banff. Malheureusement, même les caribous qui se trouvent dans des aires protégées ne vont pas bien. Les cinq derniers caribous à Banff sont morts dans une avalanche en 2009.
L’aire de répartition du caribou des montagnes du Nord s’étend du centre-ouest de la Colombie-Britannique jusqu’au Yukon et dans l’ouest des Territoires du Nord-Ouest; l’état de la plupart des 45 troupeaux n’est pas connu, mais 9 dans la partie sud de l’aire de répartition ont connu un déclin de 26 % au cours des 10 dernières années. Le caribou des montagnes du Nord a été évalué comme espèce « préoccupante » en raison des préoccupations croissantes entourant le bien-être de tous les troupeaux, lesquels font face à un développement industriel qui s’intensifie, même dans les régions éloignées.
Que faudra-t-il faire pour sauver le chevalier cuivré?
L’extraordinaire biodiversité du Canada inclut également certaines espèces que l’on trouve nulle part ailleurs, d’ailleurs l’une d’elles, le chevalier cuivré, figure même sur une bière dont une partie des recettes est versée au rétablissement des espèces en péril. Le chevalier cuivré est un poisson qui fraye dans une seule rivière dans le sud du Québec où il est menacé par la dégradation de l’habitat, la pollution, les espèces exotiques et la fragmentation par les barrages. Le chevalier cuivré est une espèce à maturation lente et longévive. La population de reproducteurs vieillit, et avec une production faible de juvéniles, l’espèce devrait rapidement disparaître à moins que les efforts de conservation réussissent à reconstituer la population. Le chevalier cuivré a été évalué comme étant « en voie de disparition » lors de la réunion.
Ce poisson, avec une si petite aire de répartition, est vulnérable de nature, mais de nombreuses autres espèces évaluées lors de la réunion illustrent que même nos espèces les plus répandues sont susceptibles de devenir en péril.
Prochaine réunion
La prochaine réunion d’évaluation des espèces sauvages du COSEPAC sera tenue à Ottawa, en Ontario, en novembre 2014.
À propos du COSEPAC
Le COSEPAC évalue la situation des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres principales unités de la biodiversité à l’état sauvage considérées comme étant en péril au Canada. Pour ce faire, le COSEPAC se sert de connaissances scientifiques, traditionnelles autochtones, ou des collectivités, lesquelles sont fournies par de nombreux spécialistes provenant des gouvernements, des universités et d’autres organismes. Les sommaires d’évaluations sont actuellement à la disposition du public sur le site Web du COSEPAC et seront transmis à l’automne 2014 au ministre fédéral de l’Environnement pour une considération de l’inscription en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP). À compter de cette date, les rapports de situation et les sommaires du statut seront mis à la disposition du public dans le Registre public des espèces en péril.
Il y a maintenant 693 espèces sauvages inscrites aux diverses catégories de risque du COSEPAC, y compris 306 espèces en voie de disparition, 165 espèces menacées, 200 espèces préoccupantes et 22 espèces disparues du pays (c.-à-d. on ne les trouve plus à l’état sauvage au Canada). En plus de ces espèces sauvages inscrites aux catégories de risque du COSEPAC, 15 espèces sont désignées comme étant disparues.
Le COSEPAC est composé de membres provenant de chaque organisme responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des Sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones.
Définitions de la terminologie et des catégories de statut du COSEPAC :
Espèce sauvage : Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’un autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D) : Espèce sauvage qui n’existe plus.
Disparue du pays (DP) : Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs.
En voie de disparition (VD) : Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M) : Espèce sauvage susceptible de devenir « en voie de disparition » si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître.
Préoccupante (P) : Espèce sauvage qui peut devenir « menacée » ou « en voie de disparition » en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP) : Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI) : Catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce sauvage à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce sauvage.
Espèce en péril : Espèce sauvage qui a été évaluée comme étant disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou préoccupante.
Marty L. Leonard (Ph.D.) Présidente, COSEPAC Department of Biology Dalhousie University |
Questions d’ordre général : Secrétariat du COSEPAC Service canadien de la faune Environnement et Changement climatique Canada 351, boul. St-Joseph, 16e étage Gatineau (Québec) K1A 0H3 Téléphone : 819-938-4125 Télécopieur : 819-938-3984 Cosepac |
Questions sur les mammifères terrestres (caribou, carcajou) : Justina C. Ray (Ph.D.) Wildlife Conservation Society Canada Téléphone: (416) 850-9038 ext. 22 |
Questions sur les plantes (clèthre à feuilles d'aulne, hydrocotyle à ombelle, aster de la Nahanni, oxytrope patte-de-lièvre) : Jeannette Whitton (Ph.D.) Department of Botany The University of British Columbia Téléphone: (604) 822-8863 |
Questions sur les oiseaux (Pie-grièche migratrice, Grèbe élégant) : Jon McCracken Bird Studies Canada Téléphone: 519-586-3531 (ext. 115) |
Questions sur les amphibiens et reptiles (salamandre à petite bouche, couleuvre tachetée, grande salamandre du Nord, salamandre errante) : Kristiina Ovaska (Ph.D.) Biolinx Environmental Research Ltd. Téléphone: 250-727-9708 |
Questions sur les poissons d’eau douce (fondule barré, truite arc-en-ciel, chevalier cuivré) : John R. Post (Ph.D.) University of Calgary Téléphone: 403-220-6937 |
Questions sur les poissons marins (maraîche) : Alan F. Sinclair Téléphone: (250) 714-5690 |
Questions sur les arthropodes (insectes et groupes taxinomiques connexes) (bourdon de l'Ouest, hespérie du Dakota, pholcide de l'Ouest, mormon, psithyre bohémien) : Jennifer M. Heron BC Ministry of Environment Téléphone: (604) 828-2542 |
Questions sur les mollusques (limace-sauteuse dromadaire, pleurobème écarlate) : Dwayne Lepitzki (Ph.D.) Téléphone: (403) 762-0864 |
Questions sur les connaissances traditionnelles autochtones : Donna Hurlburt (Ph.D.) Téléphone: (902) 532-1341 |