La liste des espèces sauvages canadiennes en péril ne cesse de s’allonger. La situation de 36 espèces, dont 10 n’ayant pas été examinées précédemment, a été évaluée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) lors de sa réunion à Ottawa, tenue du 23 au 28 novembre. Le COSEPAC est le comité composé de spécialistes des espèces sauvages chargé, en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du gouvernement fédéral, de fournir au ministre de l’Environnement les évaluations de la situation des espèces en péril au Canada, en se fondant sur les meilleures données scientifiques, connaissances des collectivités et connaissances traditionnelles autochtones.
Le béluga du sud maintenant « en voie de disparition »
L’estuaire du Saint-Laurent, l’une des voies navigables les plus fréquentées et industrialisées au Canada, accueille aussi plusieurs espèces de baleines, dont la population de béluga située la plus au sud à l’échelle mondiale. Le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent a déjà compté jusqu’à 10 000 individus. Toutefois, la chasse qui s’est poursuivie jusqu’en 1979, a réduit la population à moins de 1 000 animaux. Depuis, cette majestueuse baleine est devenue un symbole pour la conservation pour la province de Québec et constitue une attraction majeure pour les touristes. Aujourd’hui, le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent fait l’objet d’une nouvelle série de menaces croissantes, dont la prolifération d’algues toxiques, la pollution, la perturbation causée par le bruit, et le développement industriel. Il y a des signes préoccupants de déclins récents et de cas de mortalité inexpliquée chez de jeunes bélugas. Cette petite population fait face maintenant à un risque de disparition considérablement plus élevé que lorsqu’elle a été évaluée il y a dix ans par le COSEPAC comme étant « menacée ». Sans une protection de son habitat essentiel, on s’attend à ce que cette population continue de diminuer. Le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent a été évalué comme étant « en voie de disparition ».
Les maladies et les insectes exotiques menacent les arbres canadiens
Trois espèces d’arbres ont été évaluées comme étant en péril en raison, en partie, de la menace posée par les insectes et les maladies, lesquels sont maintenant répandus dans toute l’aire de répartition de ces espèces. Le pin flexible peut vivre jusqu’à 1000 ans et les populations canadiennes, en Colombie-Britannique et en Alberta, font l’objet de déclins marqués résultant essentiellement des impacts de la rouille vésiculeuse du pin blanc, un pathogène exotique détecté pour la première fois sur le pin flexible en 2006. Le pin flexible a donc été évalué comme étant « en voie de disparition ». Dans les forêts caroliniennes du sud de l’Ontario, l’agrile du frêne, un autre ravageur introduit récemment, a des répercussions sur toutes les espèces de frêne indigènes, dont le frêne bleu, une espèce rare déjà en péril avant l’attaque de ce coléoptère exotique. Bien que le frêne bleu résiste davantage à l’agrile du frêne que d’autres espèces de frêne, il reste à voir quelle sera l’incidence ultime de cette nouvelle menace. Le frêne bleu a donc été évalué comme espèce « menacée ». La situation est plus désastreuse pour le mûrier rouge, une autre espèce des forêts caroliniennes, maintenant réduit à moins de 200 individus au Canada. De multiples facteurs de stress environnementaux rendent les arbres moins résistants aux maladies affectant les ramilles, menant à des pertes de cet arbre déjà rare. Le mûrier rouge s’hybride facilement avec le mûrier blanc non indigène, ce qui compromet l’intégrité génétique de notre espèce indigène. Le comité a évalué le mûrier rouge comme étant « en voie de disparition ».
Nul endroit pour se cacher pour les espèces qui habitent des îles
Les îles peuvent offrir un refuge sûr à l’abri des prédateurs et des perturbations anthropiques. En l’absence de prédateurs, les oiseaux de mer qui se reproduisent sur des îles peuvent nicher en toute sécurité sur le sol. Toutefois, les colonies de reproduction sont très vulnérables si des prédateurs sont introduits. Le Guillemot à cou blanc et le Starique de Cassin mettent en évidence ce problème. Ces oiseaux passent la majeure partie de leur vie en mer, mais nichent sur des îles le long de la côte de la Colombie-Britannique. Les rats et les ratons laveurs introduits ont causé d’importants déclins dans les colonies de reproduction de ces espèces. De plus, ces oiseaux sont vulnérables à la contamination par les hydrocarbures et aux changements dans les milieux océaniques associés aux changements climatiques. Ces deux espèces d’oiseaux de mer ont été évaluées comme étant « préoccupantes ».
L’halicte de l’île de Sable se retrouve seulement sur l’île de Sable, une longue île étroite à 150 km au large de la Nouvelle-Écosse. Les changements climatiques menacent le fragile habitat sur l’île par l’élévation du niveau de la mer et une augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes. Cette abeille unique est également affectée par le piétinement des plantes dont elle se nourrit par d’importantes populations de phoques gris et de chevaux sauvages. Cette abeille a été évaluée comme étant « menacée ».
La tortue ponctuée au bord du gouffre
La tortue ponctuée, restreinte au Canada aux milieux humides dans le sud de l’Ontario, est extrêmement sujette à un déclin de population car elle n’atteint pas la maturité avant 11 à 15 ans, elle a peu de jeunes et peut vivre jusqu’à 100 ans. Ces caractéristiques de son cycle vital rendent les populations vulnérables à toute augmentation du taux de mortalité des adultes. Le nombre d’animaux tués sur la route et la forte demande pour des animaux vivants pour le commerce illégal d’animaux de compagnie ont eu des conséquences néfastes pour l’espèce, particulièrement lorsque s’y ajoute une perte continue de l’habitat de milieux humides. Aujourd’hui, il reste moins de 2 000 tortues ponctuées au Canada, et il y a une forte probabilité que l’espèce disparaîtra complètement si les menaces se poursuivent. La tortue ponctuée a donc été évaluée comme étant « en voie de disparition ».
Trois populations de caribou sont en déclin
Les caribous du Canada ont acquis par évolution des caractéristiques uniques propres à différents habitats et régions; le COSEPAC reconnaît 12 populations distinctes, dont trois ont été évaluées lors de la réunion. La population boréale du caribou, qui occupe des forêts matures et intactes du Labrador au Yukon, a été évaluée comme étant « menacée ». La majeure partie de son habitat a été dégradée, et malgré de considérables efforts de conservation, l’espèce connaît un déclin, particulièrement dans la partie sud de son aire de répartition. Les impacts cumulatifs de l’exploitation pétrolière, gazière et forestière ainsi que d’autres activités d’utilisation des terres contribuent à son déclin.
La population de Terre-Neuve du caribou fluctue grandement et a diminué de 68 pour cent depuis la dernière évaluation du COSEPAC en 2002 en raison d’une combinaison de facteurs qui réduisent le taux de survie des juvéniles. La bonne nouvelle est que la réduction de la pression de chasse ainsi que les signes d’une récente amélioration du taux de survie des petits semblent indiquer que la population pourrait se rétablir. Cependant, les impacts futurs de l’arrivée récente du coyote, un nouveau prédateur à Terre-Neuve, sont incertains. La population de Terre-Neuve du caribou a été évaluée comme étant « préoccupante ».
La population de la Gaspésie-Atlantique du caribou est confinée à trois montagnes à l’intérieur et autour du parc national de la Gaspésie au Québec. Elle a été évaluée comme étant « en voie de disparition ». Malgré les mesures de protection, la population a connu un déclin depuis les années 1950 et compte aujourd’hui moins de 120 adultes vivants. Cette population isolée persiste en raison d’une gestion intensive, incluant la lutte contre les prédateurs. Les modèles de population prévoient la disparition de ce groupe d’ici environ 40 ans.
Des espèces en péril partout au Canada
Les nombreuses espèces maintenant inscrites en vertu de la LEP se retrouvent de l’Atlantique au Pacifique et du sud de l’Ontario au nord du Nunavut. La responsabilité de sauvegarder notre précieux patrimoine naturel incombe à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes de partout au pays.
Prochaine réunion
La prochaine réunion d’évaluation des espèces sauvages du COSEPAC sera tenue dans la ville de Québec en avril 2015.
À propos du COSEPAC
Le COSEPAC évalue la situation des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres principales unités de la biodiversité à l’état sauvage considérées comme étant en péril au Canada. Pour ce faire, le COSEPAC se sert de connaissances scientifiques, traditionnelles autochtones, ou des collectivités, lesquelles sont fournies par de nombreux spécialistes provenant des gouvernements, des universités et d’autres organismes. Les sommaires d’évaluations sont actuellement à la disposition du public sur le site Web du COSEPAC et seront transmis à l’automne 2015 au ministre fédéral de l’Environnement pour une considération de l’inscription en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP). À compter de cette date, les rapports de situation et les sommaires du statut seront mis à la disposition du public dans le Registre public des espèces en péril.
Lors de sa dernière réunion, le COSEPAC a évalué 35 espèces sauvages dans diverses catégories de risque du COSEPAC, y compris 14 espèces en voie de disparition, 6 espèces menacées, 14 espèces préoccupantes et 1 espèce disparue du pays (c.-à-d. on ne les trouve plus à l’état sauvage au Canada). En plus de ces espèces sauvages inscrites aux catégories de risque du COSEPAC, le COSEPAC a évalué une (1) espèce sauvage dans la catégorie données insuffisantes.
Le COSEPAC est composé de membres provenant de chaque organisme responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des Sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones.
Définitions de la terminologie et des catégories de statut du COSEPAC :
Espèce sauvage : Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’un autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D) : Espèce sauvage qui n’existe plus.
Disparue du pays (DP) : Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs.
En voie de disparition (VD) : Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M) : Espèce sauvage susceptible de devenir « en voie de disparition » si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître.
Préoccupante (P) : Espèce sauvage qui peut devenir « menacée » ou « en voie de disparition » en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP) : Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI) : Catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce sauvage à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce sauvage.
Espèce en péril : Espèce sauvage qui a été évaluée comme étant disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou préoccupante.
Eric B. (Rick) Taylor (Ph.D.) Président, COSEPAC Department of Zoology University of British Columbia Téléphone : 604-822-9152 |
Questions d’ordre général : Secrétariat du COSEPAC Service canadien de la faune Environnement et Changement climatique Canada 351, boul. St-Joseph, 16e étage Gatineau (Québec) K1A 0H3 Téléphone : 819-938-4125 Télécopieur : 819-938-3984 Cosepac |
Questions sur les reptiles (tortue boîte de l'Est, tortue ponctuée, scinque de l'Ouest) : James P. Bogart (Ph.D.) University of Guelph Téléphone : 519-824-4120, poste 58728 |
Questions sur les arthropodes (insectes et groupes taxinomiques connexes) (halicte de l’île de Sable, héliotin blanc satiné, hespérie de Poweshiek) : Jennifer M. Heron BC Ministry of Environment Téléphone: (604) 828-2542 |
Questions sur les oiseaux (Guillemot à cou blanc, Phalarope à bec étroit, Starique de Cassin) : Jon McCracken Études d'Oiseaux Canada Téléphone: 519-586-3531 (ext. 115) |
Questions sur les poissons d’eau douce (brochet vermiculé, meunier tacheté) : John R. Post (Ph.D.) University of Calgary Téléphone: 403-220-6937 |
Questions sur les mammifères terrestres (caribou, oreillard maculé, taupe de Townsend) : Graham Forbes (Ph.D.) University of New Brunswick Téléphone: (506) 455-5923 |
Questions sur les mollusques (escargot-forestier écharge) : Dr. Dwayne Lepitzki Téléphone: (403) 762-0864 |
Questions sur les mammifères marins (béluga) : David Lee (Ph.D.) Téléphone: (514) 754-8524 |
Questions sur les mousses et lichens (érioderme boréal, érythrophylle du Columbia, petit pompon, sclérophore givré, tortule à poils lisses) : David H. S. Richardson (Ph.D.) Saint Mary's University Téléphone: 902-496-8174 |
Questions sur les plantes (arnica de Griscom, céphalanthère d'Austin, cypripède blanc, frêne bleu, mûrier rouge, pin flexible, podistère du Yukon, rhynchospore à gros épillets, rotala rameux, vernonie fasciculée) : Bruce Bennett Yukon Conservation Data Centre Téléphone: 867-667-5331 |
Questions sur les connaissances traditionnelles autochtones : Dan Benoit Téléphone (1) : 204-348-7771 Téléphone (2) : 204-612-2240 |