Vingt six espèces sauvages canadiennes, du rorqual à l’escargot, ont été évaluées comme étant en péril à la dernière réunion du COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada), tenue du 28 avril au 3 mai à Winnipeg, au Manitoba. Ces évaluations portent le nombre total d’espèces sauvages reconnues par le COSEPAC comme étant en péril à 676. Les espèces en péril du Canada incluent des emblèmes tels que l’ours blanc, le caribou et l’épaulard. Les espèces évaluées à cette réunion font ressortir le fait qu’un grand nombre de nos espèces en déclin sont peu visibles et pratiquement inconnues, pourtant elles demeurent une part importante de notre biodiversité. Parmi celles-ci se trouvent de nombreuses merveilles biologiques de plus en plus menacées par les activités humaines.
La vie en mer
Le rorqual boréal fait partie de plus de 30 espèces de baleines et de dauphins retrouvées en eaux canadiennes, et est l’une des espèces les moins étudiées dans le monde des baleines. La population du Pacifique du rorqual boréal a été évaluée par le COSEPAC comme étant « en voie de disparition », s’ajoutant aux 13 autres baleines en péril au Canada. Cette espèce a échappé à l’attention des baleiniers jusqu’à ce que les espèces de premier choix ne deviennent rares. La plupart des rorquals boréals ont été capturés après 1950, avec plus de 4 000 individus tués au large de la côte de la Colombie-Britannique avant que l’espèce ne fasse l’objet d’une protection en 1975. Malgré un effort de recherche accru, il n’y a eu qu’une poignée d’observations au cours des 35 dernières années. L’absence de rétablissement du rorqual boréal n’est pas bien comprise, et les individus restants sont menacés par les collisions avec des navires et le bruit lié au trafic maritime. Une augmentation du trafic de pétroliers sur la côte de la Colombie-Britannique pourrait accroître le risque pour ces majestueux animaux rarement observés.
Les eulakanes sont de petits poissons qui sont le plus visibles lorsqu’ils retournent en masse pour frayer dans les rivières le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, mais ils sont fortement dépendants de la santé de l’océan où ils passent la majeure partie de leur vie. Les eulakanes des rivières Nass et Skeena ont été réévalués lors de cette réunion sur la base de nouveaux renseignements. Dans l’ensemble de leur aire de répartition, de nombreuses populations ont connu un déclin de 90 % ou plus, et la population centrale de la côte du Pacifique et la population du fleuve Fraser ont déjà été désignées par le COSEPAC comme étant « en voie de disparition ». Jusqu’à présent, la population des rivières Nass et Skeena se porte mieux. Comme les eulakanes passent la majeure partie de leur vie en mer, il y a encore des préoccupations à l’effet que des menaces mal comprises en milieu marin puissent mener à des déclins de la population des rivières Nass et Skeena, étant donné les déclins observés chez les autres populations de l’espèce. Ces préoccupations ont mené à une désignation d’espèce « préoccupante ».
La biodiversité uniquement canadienne ayant échappé à la glaciation
Nos merveilles biologiques incluent de nombreuses espèces qui sont particulièrement influencées par le récent passé glaciaire du Canada. Alors que la majeure partie du Canada était recouverte de glace durant les glaciations répétées des deux derniers millions d’années, certaines zones exceptionnelles ont échappé à la glaciation. Dans ces zones, la flore et la faune reflètent une diversité ancienne.
Des zones de diversité non glaciées se trouvent sur la péninsule Haida Gwaii. En 2002, des scientifiques ont découvert l’étonnante limace de Haida Gwaii, une espèce nouvelle pour la science. Elle a été évaluée comme espèce « préoccupante » car on s’attend à ce que les changements climatiques réduisent son habitat de sommet montagneux. Bien que cette limace n’était connue qu’à Haida Gwaii, des biologistes ont prédit qu’elle pourrait également se trouver sur les montagnes du nord-ouest de la côte de l’île de Vancouver, car ces régions comportent un habitat similaire et aucune d’elles n’a été glaciée. Une équipe diversifiée de biologistes a mené une expédition, laquelle a permis de trouver une population relique de la limace, de ce fait élargissant son aire de répartition connue et améliorant notre compréhension du rôle des épisodes climatiques passés dans la structuration de la diversité.
La Béringie, qui inclut des parties de l’Alaska, de l’ouest du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, a également échappé à la glaciation. Cette région accueille une autre espèce uniquement canadienne, le braya poilu. Cette plante minuscule connue seulement au cap Bathurst sur la côte arctique des Territoires du Nord-Ouest, a été évaluée comme étant « en voie de disparition ». Une expédition a été menée pour chercher davantage de plantes et pour comprendre ce qui les menace. Des populations du braya poilu poussent au-dessus de falaises côtières où elles sont menacées par une augmentation de l’érosion et des marées de tempête due à la réduction de la couverture de glace de mer et au réchauffement climatique. Une autre plante béringienne, la saxifrage à épi, n’est connue au Canada qu’en bordure de seulement six petits cours d’eau dans le plateau du Klondike du Yukon. C’est une autre survivante glaciaire ancienne, et elle a été évaluée comme étant « menacée » en raison des impacts sur son habitat riverain résultant d’une activité minière accrue.
Indicateurs inconnus et modestes d’habitats en déclin
Bien qu’inconnues pour la majeure partie de la population canadienne, huit espèces de mollusques, incluant des limaces, des escargots et des moules d’eau douce, ont été évaluées par le COSEPAC comme étant en péril. Les quatre espèces de moules vivent dans le sud de l’Ontario, où le ruissellement provenant des activités agricoles et d’autres types de pollution diminuent la qualité de l’eau dans les cours d’eau, rivières et lacs où elles vivent. Les moules sont parmi les espèces les plus vulnérables aux écosystèmes aquatiques dégradés, et leur déclin sonne l’alarme pour de nombreuses espèces qui partagent leurs habitats. Certaines de ces moules ont un mode de reproduction bizarre, où elles incitent des poissons à manger des amas de leur progéniture parasite qui se nourrit ensuite du poisson hôte avant de se séparer pour vivre librement. Un grand nombre de poissons hôtes potentiels pour ces moules sont eux-mêmes en péril, également en raison de la diminution de la qualité de l’eau.
Aucune espèce n’est une île : le destin des papillons nocturnes et des plantes est lié
Un exemple encore plus complexe d’interaction entre des espèces implique le yucca glauque et son pollinisateur, la teigne du yucca. Seules trois populations de cette plante sont connues au Canada; elles poussent dans les prairies du sud de l’Alberta et de la Saskatchewan. Les teignes du yucca pollinisent les fleurs avant d’y pondre leurs œufs. Leurs chenilles se nourrissent alors des graines de yucca glauque en développement. Cette fascinante relation mutuellement bénéfique est encore plus étonnante car deux autres espèces de papillons nocturnes dépendent également de la production de graines de yucca glauque pour leur progéniture. En raison du broutage excessif par les cerfs, lesquels mangent les tiges en floraison du yucca glauque, les trois espèces de papillons nocturnes ont été évaluées comme étant « en voie de disparition », alors que le yucca glauque a lui-même été évalué comme espèce « menacée ». Cet exemple souligne l’importance de découvrir et de décrire les interactions complexes entre les espèces afin d’aider à les préserver.
Même au Canada, un grand nombre d’espèces n’ont pas encore été découvertes, et d’autres ne sont connues que par leur nom, leurs secrets et surprises n’attendant que d’être révélés. Ces merveilles biologiques nous rappellent leur valeur intrinsèque à titre d’indicateurs modestes de l’état de l’environnement que nous partageons tous.
Prochaine réunion
La prochaine réunion d’évaluation des espèces sauvages du COSEPAC sera tenue à Ottawa, en Ontario, en novembre 2013.
À propos du COSEPAC
Le COSEPAC évalue la situation des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres principales unités de la biodiversité à l’état sauvage considérées comme étant en péril au Canada. Pour ce faire, le COSEPAC se sert de connaissances scientifiques, traditionnelles autochtones, ou des collectivités, lesquelles sont fournies par de nombreux spécialistes provenant des gouvernements, des universités et d’autres organismes. Les sommaires d’évaluations sont actuellement à la disposition du public sur le site Web du COSEPAC et seront transmis à l’automne 2013 au ministre fédéral de l’Environnement pour une considération de l’inscription en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP). À compter de cette date, les rapports de situation et les sommaires du statut seront mis à la disposition du public dans le Registre public des espèces en péril.
Il y a maintenant 676 espèces sauvages inscrites aux diverses catégories de risque du COSEPAC, y compris 298 espèces en voie de disparition, 164 espèces menacées, 192 espèces préoccupantes et 22 espèces disparues du pays (c.-à-d. on ne les trouve plus à l’état sauvage au Canada). En plus de ces espèces sauvages inscrites aux catégories de risque du COSEPAC, 15 espèces sont désignées comme étant disparues.
Le COSEPAC est composé de membres provenant de chaque organisme responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des Sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones.
Définitions de la terminologie et des catégories de statut du COSEPAC :
Espèce sauvage : Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’un autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D) : Espèce sauvage qui n’existe plus.
Disparue du pays (DP) : Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs.
En voie de disparition (VD) : Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M) : Espèce sauvage susceptible de devenir « en voie de disparition » si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître.
Préoccupante (P) : Espèce sauvage qui peut devenir « menacée » ou « en voie de disparition » en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP) : Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI) : Catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce sauvage à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce sauvage.
Espèce en péril : Espèce sauvage qui a été évaluée comme étant disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou préoccupante.
Marty L. Leonard (Ph.D.) Présidente, COSEPAC Department of Biology Dalhousie University |
Questions d’ordre général : Secrétariat du COSEPAC Service canadien de la faune Environnement et Changement climatique Canada 351, boul. St-Joseph, 16e étage Gatineau (Québec) K1A 0H3 Téléphone : 819-938-4125 Télécopieur : 819-938-3984 Cosepac |
Questions sur les mammifères marins (rorqual boréal) : Randall Reeves (Ph.D.) Okapi Wildlife Associates Téléphone: (450) 458-6685 |
Questions sur les oiseaux (Hirondelle de rivage, Autour des palombes, Colin de Virginie) : Jon McCracken Bird Studies Canada Téléphone: 519-586-3531 (ext. 115) |
Questions sur les amphibiens et reptiles (couleuvre à nez mince du Grand Bassin) : Kristiina Ovaska (Ph.D.) Biolinx Environmental Research Ltd. Téléphone: 250-727-9708 |
Questions sur les poissons d’eau douce (méné d’herbe, méné camus) : John Post (Ph.D.) Department of Biological Sciences University of Calgary Téléphone: (403) 220-6937 |
Questions sur les poissons marins (eulakane) : Alan F. Sinclair Téléphone: (250) 714-5690 |
Questions sur les arthropodes (insectes et groupes taxinomiques connexes) (hespérie rurale, fausse-teigne à cinq points du yucca, teigne tricheuse du yucca, teigne du yucca, apantèse compliquée) : Jennifer M. Heron BC Ministry of Environment Téléphone: (604) 828-2542 |
Questions sur les mollusques (limace de Haida Gwaii, ptychobranche réniforme, toxolasme nain, escargot-forestier de Townsend, escargot du Puget, obovarie ronde, obliquaire à trois cornes, limace-sauteuse glanduleuse) : Gerald L. Mackie (Ph.D.) Professor Emeritus Department of Integrative Biology University of Guelph Téléphone: (519) 767-6684 |
Questions sur les plantes (braya poilu, gesse littorale, lespédèze de Virginie, yucca glauque, saxifrage à épis) : Bruce Bennett Yukon Conservation Data Centre Téléphone: 867-667-5331 |
Questions sur les connaissances traditionnelles autochtones : Donna Hurlburt (Ph.D.) Téléphone: (902) 532-1341 |